Quel constat général pouvez-vous observer dans le secteur automobile ces dernières années ?
Jean-Jacques GRESSIER : Comme citoyen attentif et acteur engagé au service de la relation client, la période est à tous égards passionnante et je veux vous remercier de notre échange avec Cyril Jacquin. L’industrie automobile est en effet un solide poste d’observation des mutations à l’œuvre dans nos sociétés contemporaines, de nos aspirations collectives et, parfois, de nos petites contradictions individuelles.
Les passionnés de la voiture sont toujours là, mais elle est moins symbole de réussite sociale et son usage devient plus important que la possession de l’objet. L’objet voiture est, au fond, celui qui concentre le plus de transformations en mode accéléré à raison du triple impact de la crise sanitaire mondiale du Covid-19, du conflit qui dure en Ukraine et des différents désordres climatiques sous les feux de l’actualité.
Les pénuries de matériaux, pièces et composants perturbent grandement les livraisons et les réparations, et la voiture électrique et connectée a d’ores et déjà transformé en profondeur les modèles économiques d’entretien et de distribution
Le constat est maintenant largement partagé sur la nécessité d’aller vers une mobilité individuelle neutre en carbone. Mais le déploiement de solutions de mobilité efficaces reste à moyen longtermes largement dépendant des densités de population et des infrastructures disponibles. Et à court terme, nombreux sont nos concitoyens à ne pas pouvoir se passer de véhicule individuel à moteur thermique tant l’électrification vient grever le budget des ménages.
J’ajoute que les métiers de l’automobile sont soumis aux mêmes changements du rapport au travail de leurs collaborateurs potentiels que bien d’autres professions, en même temps que les offres numériques bouleversent les usages et donc les différents modèles de vente et de service.
Une bonne nouvelle enfin : le secteur automobile s’en sort bien en termes d’adaptation de sa relation client et aux exigences du temps présent : notre «Baromètre 2022 de la Symétrie des Attentions », réalisé annuellement par l’Académie du Service, établit une satisfaction client de l’ordre de 55%, un petit peu au-dessus de la moyenne des 11 secteurs économiques majeurs testés.
Et 37% des clients du secteur de l’automobile considèrent que cette industrie est celle qui s’est le plus emparée de la question environnementale. Cela place l’automobile sur le podium des trois secteurs les plus performants, aux côtés de la restauration et de la grande distribution.
Jean-Jacques GRESSIER : Partagez-vous mon constat ? Souhaitez-vous le compléter ?
Cyril JACQUIN : Oui je le partage totalement. L’automobile est effectivement en pleine mutation, en particulier dans le contexte actuel, qui nous oblige à nous remettre en question et nous transformer encore plus vite qu’on ne le pensait il y a encore deux ans. Les deux années de crise pandémique que nous venons de vivre ont modifié les habitudes et comportements de la plupart de nos clients : le recours accru au télétravail, que ce soit au domicile ou ailleurs, impacte le kilométrage moyen parcouru par nos clients, mais aussi leur comportement en matière d’entretien.
Il est vrai par ailleurs que la pénurie de semi-conducteurs et de matériaux bouleverse nos plans de production, même si certains constructeurs comme BMW et MINI s’en sortent mieux que d’autres, et incitent certains de leurs clients à conserver leur véhicule un peu plus longtemps que prévu.
Nous accompagnons par ailleurs cette mutation avec des véhicules de plus en plus connectés, nous permettant de répondre au mieux aux attentes de nos clients et de leur véhicule, et parfois même en anticipant leurs besoins de façon proactive, que ce soit par l’intermédiaire de l’élargissement du diagnostic, voire du dépannage à distance, ou encore via des campagnes régulières de mises à jours logicielles « over the air ».
Jean-Jacques GRESSIER : Les concessions commercialisent les voitures et les entretiennent. Mais les ventes par internet progressent, les voitures électriques demanderont moins d’entretien. Quels sont vos principaux enjeux dans l’évolution de votre modèle de distribution ?
Cyril JACQUIN : Il est vrai que les véhicules électriques génèrent moins de besoin d’entretien que les véhicules thermiques dans la mesure où ils ne nécessitent par exemple pas de vidange d’huile et de remplacement de filtre à huile et à carburant, et qu’ils sollicitent moins les systèmes de freinage. C’est entre autres pour cette raison que la qualité de l’expérience client va prendre encore plus d’importance, puisque la baisse de ces besoins de maintenance devra être compensée par un accroissement de la fidélité. C’est en garantissant la meilleure expérience à nos clients que nous consoliderons leur fidélité sur le long terme
Jean-Jacques GRESSIER : La possession de sa voiture régresse au profit de nombreux modèles de location. Quel impact cela a-t-il sur votre modèle ?
Cyril JACQUIN : Nos clients se tournent effectivement de plus en plus vers des solutions de leasing, que ce soit par l’intermédiaire de la Location Longue Durée pour les professionnels, ou de la LOA pour les particuliers, même si ce phénomène n’est pas récent pour nous puisque nos 1ères offres de location BMW, MINI ou BMW Motorrad datent d’il y a près de 20 ans. Chez BMW Group, nous avons bien sûr la possibilité de nous adapter à ces évolutions pour répondre à tous types de demandes, par l’intermédiaire d’Alphabet, filiale du BMW Group spécialisée dans la Location Longue Durée, ou encore via BMW Finance avec une multitude d’offres et de services.
La dernière en date s’appelle OpenLease et offre une très grande flexibilité, avec un loyer tout compris et la souplesse de pouvoir ajuster la durée ou le kilométrage, et l’option de pouvoir bénéficier ponctuellement d’un véhicule plus spacieux ou thermique lorsqu’on roule quotidiennement en électrique. Nous proposons également de la Location Courte Durée par l’intermédiaire de nos concessionnaires avec l’offre BMW Rent. Mais là aussi, que ce soit pour BMW France, BMW Finance et Alphabet, le maître mot des trois entités du groupe est « Orientation Clients ».
Jean-Jacques GRESSIER : Le métier de vendeur va évoluer de la vente de produits à la vente de produits et services : quelle est votre vision de cette transformation ?
Cyril JACQUIN : C’est déjà le cas depuis plusieurs années, nos commerciaux sont bien sûr formés à la vente d’une multitude de services : contrats d’entretien, solutions de financement, garanties étendues, assurances dommages, perte financière.
Au-delà des services, la demande croissante de véhicules électriques et l’élargissement de notre catalogue nous obligent également à élargir nos compétences et maitriser de nouvelles notions : on ne parle plus de litres aux 100 kilomètres mais de kWh/100km, ou encore de temps de charge nécessaire pour récupérer 100km d’autonomie en fonction de la solution de recharge.
Bien entendu nous accompagnons nos commerciaux avec des formations et coachings dédiés, afin de leur apporter toutes les compétences nécessaires pour comprendre les besoins des clients et les orienter vers l’offre de produits et services qui leur correspond.
Jean-Jacques GRESSIER : Le métier de mécanicien va aussi beaucoup de se transformer, pensez-vous devoir accompagner de nombreuses reconversions ?
Cyril JACQUIN : La pandémie n’a pas été sans conséquences, dans ce domaine également : comme dans d’autres types de métiers, un certain nombre de techniciens a décidé de se reconvertir, de changer de vie, à l’issue des confinements. C’est pour répondre à cette problématique de volatilité et de manque de techniciens que nous formons dans notre propre Centre de Formation interne de jeunes techniciens en alternance pour les conduire vers le diplôme de TEAVA (Technicien Expert en Après Vente Automobile).
Notre volonté de miser sur l’apprentissage ne date d’ailleurs pas de la pandémie ou de la montée en puissance de l’électrique, puisque notre école existe depuis plus de 30 ans, et que nous avons décidé il y a 4 ans d’ajouter une promotion d’étudiants supplémentaire afin de porter à 36 le nombre de jeunes diplômés chaque année.
Nous accompagnons notre réseau de concessionnaires dans le recrutement de ces profils, indispensables pour leur activité. Il est à noter que cette formation est gratuite et totalement prise en charge par le groupe.
Pour répondre plus précisément à votre question sur la reconversion, nous nous attachons dans un premier temps à délivrer à nos techniciens les meilleures formations, en particulier
sur les technologies haute tension de nos véhicules grâce à nos cursus de formation initiale et continue, puis à les accompagner dans leur évolution de carrière. On compte d’ailleurs dans notre réseau quelques directeurs de concession qui ont commencé leur carrière à l’atelier.