31/03/2023
Article magazine

Forts de notre expérience acquise sur la transformation de l’Expérience Client auprès du groupe Orange et de nombreux clients dans le monde, nous retenons qu’il existe peu de règles et de recettes directement applicables à tous. Cependant tout comité de direction doit être conscient de certaines tendances fortes pour guider ses actions sur ce terrain.

Eric Blanche, Collectif Augmented Customer Experience - Orange Business Services

Pour saisir l’enjeu de la relation client d’aujourd’hui, l’image du ying et du yang nous semble appropriée. À toutes les étapes, les services digitaux et le monde physique et/ou les interactions humaines sont liés. C’est une relation cohérente et harmonieuse qu’il convient de proposer aux clients et aux collaborateurs.

Selon notre expérience, cette harmonie n’est pas une recette universelle : elle relève aussi bien du contexte et de l’historique de la marque que d’une logique de performance et d’un choix de positionnement. Mais à l’évolution permanente des marchés et des attentes des clients, s’ajoute l’évolution technologique très rapide, porteuse de nouvelles options, de nouvelles approches et de nouvelles menaces.

L’harmonie proposée doit donc évoluer au gré des opportunités et des contextes.

Le réel enjeu des comités de direction, en matière de Relation Client, est de structurer leurs organisations et d’aligner les investissements pour disposer d’un maximum de leviers, au service des collaborateurs, de leurs talents et de leur imagination en matière de produits, de services et d’expérience client.

La fluidité omnicanale des parcours est une attente forte des clients attachés à la mobilité et à l’autonomie : pouvoir commencer un parcours d’achat sur un canal et le finir sur un autre, ou pouvoir poursuivre en boutique une discussion initiée avec un centre de contacts quelques minutes plus tôt, sans rupture et en complémentarité.

Tous les interlocuteurs d’une marque devraient être coordonnés comme s’ils étaient tous reliés entre eux par un immense réseau social interne.

Nous avions employé cette image quelques années plus tôt, pour illustrer la solution de clienteling d’une grande marque internationale de luxe.

L’image est toujours d’actualité, à ceci près que les canaux sont plus nombreux (certains sont automatisés), que la personnalisation en temps réel est attendue et qu’il faut maintenir le même niveau d’expérience personnalisée à grande échelle.

L'IA comme levier de performance

Omnicanalité, hyperpersonnalisation, temps réel et passage à l’échelle sont les 4 piliers du nouveau paradigme que nous appelons Responsive Customer Experience (Responsive CX). L’expérience client omnicanale doit s’adapter en permanence au contexte du client.

Pour aboutir à un tel résultat, l’Intelligence Artificielle est incontournable, dans tous les secteurs de l’entreprise, de la création des contenus (articles, photos, vidéos...) à l’exécution des campagnes, de la personnalisation client à l’assistance de l’utilisateur. Grâce à elle, la relation client opérée par les centres de contact est déjà en pleine révolution avec des bots intelligents et personnalisés et une analyse des données plus rapide.

Lorsque l’on parle d’IA appliquée à la Relation Client, le 1er cas d’usage cité est celui des agents conversationnels.

Les entreprises pionnières ont démarré dès 2015, avec des interactions textuelles (chatbot) puis vocales (callbot) et enfin des tests d’interaction visuelle sont en cours (visual bot) pour comprendre et tenir compte de l’attitude et des gestes de l’interlocuteur.

Les gains en productivité et en satisfaction client sont connus. Dans le monde bancaire, l’agent vocal conversationnel est très largement utilisé pour les opérations courantes.

Chez l’un de nos clients, après 6 mois d’utilisation et plus d’un million d’appels traités, les indicateurs montrent que 97% des appels éligibles ont effectivement pu être automatisés et que 89% des appelants sont satisfaits.

Pourtant, derrière ces indicateurs de performance se cache un contexte favorable que toutes les marques ne partagent pas. Certaines, dans d’autres secteurs, n’obtiennent pas les mêmes scores de satisfaction. Il reste encore des marges de progression et de différenciation pour la majorité des bots :

  • Personnaliser les bots en fonction de la marque (sa voix, son style, son ton) ; en fonction du client et du contexte (l’aménagement du débit de parole et du vocabulaire furent récemment testés par un grand acteur bancaire auprès de ses clients seniors ;
  • Mieux intégrer le chatbot avec son environnement digital direct (afficher la page ou le produit recherché, préremplir un formulaire web, déclencher une authentification par sms avant de poursuivre...) ;
  • Rendre le chatbot acteur de tout ou partie d’un parcours à la demande du client (envoyer un formulaire prérempli par email, reprendre un ticket en cours ouvert ailleurs, sous-traiter un paiement par carte bancaire via un outil tiers puis reprendre la conversation...).

Cette année, la sortie commerciale du SMS conversationnel en France va décupler le potentiel conversationnel des marques.

Certaines mettront en place des campagnes avec des micro-parcours conversationnels (prise de rendez-vous, configuration d’un produit, jeu en ligne ...).

D’autres intégreront ce canal dans des parcours déjà existants pour en réduire les frictions.

Avec la multiplication des canaux conversationnels, il est préférable de se tourner vers des solutions conversationnelles multicanales, capables d’adresser ce nouveau canal en plus des autres précédents, plutôt que d’ajouter un nouveau silo. La configuration, l’apprentissage, la supervision et les analyses sont alors centralisées pour un gain de temps considérable et une amélioration de la cohérence relationnelle. C’est justement l’ambition des équipes d’Orange Business Services depuis deux ans.

Les 2nds cas d’usage de l’IA sont l’hyper automatisation

→ Automatiser les tâches répétitives et les services digitalisés) et l’analyse des documents et des verbatims client.

En 2021, d’après Eurostat, 38% des entreprises impliquées dans le déploiement de projet IA s’intéressaient spécifiquement aux technologies linguistiques en tant que préalable nécessaire à l’automatisation des tâches / processus et à la génération de nouvelles données.

À l’heure de la Responsive CX, l’enjeu de l’automatisation est de personnaliser en temps réel jusqu’à 80% des points de contact, ce qui suppose la mise en place de nouvelles approches au sein des entreprises : l’orchestration des parcours client et une robuste connaissance client unifiée.

L’orchestration des parcours clients ouvre de nouvelles possibilités depuis la continuité omnicanale des conversations jusqu’à la personnalisation en temps réel des parcours et une meilleure gestion dynamique des trafics.

La connaissance client n’a jamais été autant nécessaire qu’aujourd’hui pour les conseillers, les commerciaux, les départements marketing et les data scientists. Le périmètre de cette connaissance, bien que bouleversée par les impératifs de gestion du consentement et les attentes des clients en matière de sécurité et de confidentialité, s’est étendu à tout ce qui peut aider à mieux comprendre et prévoir le comportement d’un client, en enrichissant les données habituelles (l’historique d’achat, les éléments socio-démographiques ou les moments de vie).

Après avoir réussi à consolider l’historique d’un client - toujours plus large depuis la digitalisation des services (parcours web, logs d’usage...) - , l’entreprise doit faire appel à des données externes et à ses référentiels internes : ses produits, ses boutiques, ses contenus marketing, ses zones de chalandise, etc ... et même ses conversations (anonymisées).


L’exploitation de cette nouvelle connaissance client permet par exemple :

  • D’accélérer la compréhension des attentes des clients et l’ajustement des services. Grâce au speech analytics, les équipes d’Orange Business Services peuvent délivrer toutes les 6 semaines une synthèse détaillée des attentes des clients, croisées avec la performance d’un centre de contact ;
  • D’enrichir les IA à disposition des conseillers et des personal shoppers pour affiner leurs recommandations ;
  • De mieux mesurer les impacts d’une campagne publicitaire ;
  • De lancer des actions préventives face à un risque de churn.

Ce capital client, qui regroupe l’ensemble de la connaissance client ainsi enrichie, activable aisément et conforme aux contraintes réglementaires, est sujet à péremption puisque les données nominatives ne peuvent être conservées qu’un certain temps, pour certains usages uniquement et avec le consentement des clients. La collecte des consentements et des données client ainsi que l’anticipation des besoins sont des facteurs clés de succès pour les entreprises.

Selon nous, la gouvernance des données est d’ailleurs l’une des 6 composantes d’une stratégie Data / IA efficace, comme illustré dans le schéma ci-contre.

La confiance, évoquée plus haut avec le consentement des clients et la protection de leurs données, intègre aussi l’éthique et la transparence (usage de l’IA, explicabilité des modèles, capacité à éviter les biais, non application automatique des résultats...)

Ces éléments permettent d’éclairer ce que devient l’IA appliquée à la Relation Client.

Avec le foisonnement des solutions embarquant de l’IA, nous pensons que la maturité d’une organisation se mesure par sa gouvernance des cas d’usage et des données ainsi que par la maîtrise de chaque étape de la chaîne de valeur Data/ IA.

Elle se mesure aussi à la compréhension des enjeux et des limites du couple Data/IA par l’ensemble des collaborateurs. Il s’agit de :

  • Redéfinir les métiers, les pratiques quotidiennes et les compétences nécessaires ;
  • Convenir des périmètres et des limites de l’usage de l’IA dans l’organisation (charte) ;
  • Identifier et protéger les données et les cas d’usage sensibles ;
  • Former les collaborateurs aux nouveaux enjeux et outils ;
  • Revisiter certains processus métier et modes opératoires ;
  • Faire prendre conscience des limites des IA mises en place.

Dans une approche Responsive CX, le bon usage de la connaissance client s’applique également aux éléments mis à la disposition des conseillers.

Pour gagner en performance et en confort, le conseiller doit pouvoir naviguer aisément : d’une fiche client vers son historique d’achat puis vers la fiche descriptive d’un produit et la FAQ associée ou vers la livraison et ses incidents. L’IA impacte aussi la base de connaissances mise à la disposition des collaborateurs : la pertinence des informations remontées est améliorée, le bon contenu est suggéré proactivement en temps réel.

Le périmètre des bases de connaissances s’enrichit alors avec les modes opératoires, les fiches produits, les guides de conversation et même des propositions de réponses textuelles.

Nous pensons que le poste de travail des conseillers va évoluer encore plus loin avec des ergonomies nouvelles, capables de proposer des informations contextuelles pilotées par la voix, sur demande ou de manière automatique au cours de la conversation.

L'enjeu multiple de la Relation Client

Construire une relation client responsive by design. C’est le seul moyen de personnaliser les parcours et la relation client à grande échelle. De nombreuses marques seront donc amenées à :

  • Internaliser les compétences, de réviser leurs systèmes d’information et solutions de relation client ;
  • Réconcilier les diverses identités numériques des clients. Si un référentiel unifié reste pour beaucoup la clé majeure pour adresser le sujet, de nouvelles solutions émergent pour gérer à la fois les wallets d’identités et les consentements des individus ;
  • Acculturer l’ensemble de l’entreprise aux enjeux, usages et bénéfices de la Data et de l’IA.

Tout ceci demande du temps et des moyens. Pour prioriser ses travaux, il est utile que le comité de direction définisse le niveau (de qualité) de son expérience client à chaque étape du parcours, de la même manière que l’on détermine les attributs d’un produit/service dans une approche de type océan bleu.

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